de Helvet » Lun 18 Jan 2010 21:07
Pour compléter le sujet MOZART, je me suis écouté les 3 symphonies à la suite, la 39-40-41. écrites en 2 mois, juillet/aout 1788.
Les tonalités, mi bémol majeur, sol mineur, ut majeur, toutes trois propices à l'expression typiquement mozartienne, avec une perspective significative dans leur progression vers un apaisement voire même susceptible d'exprimer le cheminement vers une confiance en son propre destin.
Justement c'est de cela qu'il est question, un groupe de 3 symphonies, à la fois autonomes et entieres en tant que telles mais en même temps se prolongeant l'une l'autre.
C'est précisément la difficulté en musique c'est que divers états d'esprits ou psychologiques peuvent se faire entendrent en superposition, en même temps, selon que le compositeur dans son habileté saura confier une expression aux aigus et une autre aux graves, pour peu que le "sentiment" soit complexe.
En peinture, à moins soit de mettre plusieurs sujets en perspective, ou bien de traiter par transparence les superpositions, le tout sur un même tableau, c'est déja plus difficile, en littérature impossible d'écrire autrement que d'une manière linéaire ou cursive, donc impossible conceptuellement de s'exprimer autrement que par des mots bout à bout...et par conséquent les idées l'une après l'autre...
En musique et c'est le seul art qui permette cela, l'expression peut se donner à entendre en une seule fois conceptuellement.
D'abord le choix de la tonalité qui porte déjà une certaine forme d'expression : ré majeur et mi bémol majeur n'ont pas du tout le même caractère, 2ème vecteur de sens, le mode bien sur majeur ou mineur c'est une indication forte de la couleur et du sens à donner. Plus encore, après ces choix expressifs, 3ème vecteur : l'habileté de l'écriture, horizontale et verticale, mélodie et contrepoint, et l'intrication subtile et complexe des différentes voix instrumentales. 4ème vecteur : Le choix des instruments qui vont servir de porte voix conceptuels des différentes lignes à entendre dans la masse orchestrale. 5ème vecteur, les rythmes et percussions. Nous pourrions développer bien plus ces subtilités comme la succession et l'enchainement thématique, ainsi que leurs métamorphoses, mais c'est déjà assez complexe comme cela non ?
A l'autre bout de la chaine : nos oreilles ! et donc comment attraper au vol sans coup férir l'ensemble du domaine expressif en étant capable avec acuité et pertinence de démèler toutes ces lignes expressives qui s'imbriquent ! c'est du travail !
C'est pourquoi la connaissance du compositeur par ses écrits ou ses conversations rapportés est incontournable, ainsi que les modes de pensée de l'époque dans telle société. La politique est partie prenante dans l'expression artistique.
Bon, ou en sommes nous, la symphonie 39, fin juin 1788, elle représente et nous donne a entendre la phase de questionnement inquiet sur l'état de la vie présente et passée de MOZART : "que n'ai-je donc pas su faire pour mieux réussir ma vie"... "mais c'est quoi ma vie" ... "que vais-je donc devenir, et ma famille, si je n'ai pas de commande ou pas de réussite dans mes concerts"... "l'argent ne rentre pas"... "ne serais-je donc que si peu doué que je doive me contenter de la misère ?" etc... etc... alors, beaucoup de graves, des dissonances, des rythmes répétitifs, des lignes mélodiques qui s'interrompent, des silences qui s'allongent. Errance d'une réflexion douloureuse.
Horizons bouchés de tous les cotés...même si tout cela est exprimé avec la classe aristocratique et inhibé des pudeurs de l'époque, c'est bel et bien le contenu de cette première des 3...le bilan de cette méditation, dans les autres mouvements et même dans le 2è, l'adaggio, aussi beau que ce soit, pas de décollage, il rest plombé dans les affres de son soliloque, jusqu'a en perdre sa confiance en lui !
La 40, mi Juillet 1788, que tout le monde connait plus ou moins. Pareil, aux interogations succède l'inqiétude stressante du réel qui semble bien confirmer au quotidien l'incertitude que la méditaion première avait déterrée, et pour cause, couvert
de dettes, pas de commande, les enfants qui meurent, les amis qui se font rares...même le mouvement lent, bien sur très beau, le lyrisme est moins là...malheur, ma veine créatrice serait-elle en train de disparaitre ?...Vraiment mal le MOZART, et personne pour tendre la main, même si parfois il est obliger de demander !
La 41ème, début aout 1788, pas moyen de tomber plus bas, le constat et les perspectives sont dramatiques (attention nous sommes en 1788, alors même dans le malheur, les gens bien élevés ne savent pas hurler, la pudeur musèle l'expression, ne l'oublions pas à l'écoute...) quelles seraient donc les solutions ? une seule et unique ! la force de caractère, la lutte, écrire un opéra, encore mieux, encore plus beau, forcer le destin par le succès, obliger mes contemporains à adhérer à mes créations et provoquer l'engouement admiratif (et rentable) bon j'arrète de geindre et je me remets au boulot de plus belle. Je suis le meilleur musicien connu dans ce siècle, debout, se redresser, écrire , écrire encore, toujours plus beau toujours plus significatif, repousser les limites de ma force créatrice...ce serait bien le diable quand même...Aller, aller, aller
Alors : Cosi fan tutte, la clémence de Titus, la flutte enchantée...
Nous savons nous que ce fut le diable hélàs, il avait prit de l'avance, trop, sur les facultés d'absorbtion de ses contemporains dans sa liberté créatrice, alors ce sont les autres, les SALIERI et consorts qui ramassèrent la mise...
Si lourd, si dur de vendre ses meubles, sa vaisselle, de déménager ...que finalement il en est mort ! le 5 du mois de décembre 1791, 2 ans et demi après...il n'a pas pu terminer son Requiem que pourtant par prémonition il savait écrire pour lui-même...
MOZART s'arrète là, en larmes ! ... les autres, ceux qui suivent, relèvent le défi et poursuivent, non sans mal aussi...
Quelle tristesse, quelle cruauté que l'existence pour certains, pourtant génies d'entre les génies...
Evidemment chacun pourra reformuler tout cela avec ses mots, ses connaissances, ses expériences personnelles, son age, sa sensibillité empathique, son humanisme, sa fraternité...etc...
Chacun est libre...même d'écouter de la techno bien sur...
Bien a vous, allez... une ch'tite bière ?
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Helvet le Ven 22 Jan 2010 15:02, édité 3 fois.
Je ne connais pas chez l'être humain d'autre supériorité que la bonté (L.V.Beethoven)